mardi 18 août 2015

Récit de voyage: description de Mittenwald par le chevalier de Bray en 1808

Lithographie de Josef Kriebuher d´après un portrait de Johann Nepomuk Ender

Francois-Gabriel Comte de Bray (1765-1832) est né à Rouen le 24 décembre 1732 et décédé en Bavière au chateau d´Irlbach en septembre 1832. Diplomate, il fut notamment ministre plénipotentiaire de la Bavière et de la Prusse en Russie, puis à Paris et à Vienne. - Ecrivain. - Botaniste, il fut président de la Société botanisque de Ratisbonne. - Chevalier de Malte, seigneur comte de Wilback, de Schamback. On lui doit des relations de voyage particuliérement intéressantes notamment parce qu´il nous y communique ses observations de botaniste. Dans son Voyage dans le Tyrol, il décrit son passage par le Werdenfels et nous livre quelques commentaires sur Mittenwald

Voyage dans le Tyrol, aux Salines de Salsbourg et de Reichenhall, et dans une partie de la Bavière. Par M. le Chevalier De Brày , Conseiller intime d'État de S. M. le Roi de Bavière, etc., etc., Paris 18o8, chez Schoell.

"Ce petit volume est au nombre des productions les plus intéressantes et les plus instructives. M. le chevalier de Bray y fait preuve d'un talent aimable et d'un caractère digne de la plus haute estime. Doué d'un esprit non moins vif que juste, il s'attache partout à faire plutôt l'éloge que la satyre des peuples qu'il a visités. Quoiqu'il ait beaucoup observé par lui-même, il cite avec reconnoissance les écrivains allemands auxquels il doit des renseignemens plus exacts qu'un voyageur ne sauroit en recueillir. Pour donner une idée de cette relation, nous eu avons extrait l'article suivant."

Sur le Comté de Werdenfels.

« Le comté de Werdenfels appartcnoit aux evêques de Freysing, et a été dévolu à la Bavière par le dernier recès de l'Empire en 18o3. Outre Mittenwald qui en est le chef-lieu, il y a encore deux assez grands bourgs, savoir : Parthenkirch et Garmisch et dix villages. Les évêques de Freysing avoient, à diveres époques, acheté de plusieurs seigneurs les domaines composant le comté de Wcrdenfels, et cela pour des sommes très médiocres. Tout ce petit pays ne consiste qu'en quelques vallons assez étroits et en assez hautes montagnes. Le Zugspitz, qui est la plus haute, a 7,7oo pieds d'élévation au-dessus du niveau de la mer. Ces montagnes forment la première ligne de ce vaste amas d'immenses hauteurs qui s'étendent depuis les confins de la Provence jusqu'aux rives de la Drave,et dont les points les plus élevés sont le Mont-Blanc, 16,ooo pieds, le Glockner 13,ooo, et l'Ortler-Spitz, environ 14,ooo pieds.

On entre dans le pays de Werdenfels , en passant le long des rivages pittoresques de Wallercée. La partie orientale du pays est formée par la vallée de l'Iser qui, là, n'est encore qu'une rivière médiocre, mais roulant avec rapidité, sur un lit de marbre, une eau verte comme la chrysoprase. Dans cette vallée étroite bordée d'immenses montagnes, et que vous suivez jusqu'à Mittenwald, j'ai recueilli le Tamarix germanica , qui y croît en abondance.

Mittenwald est l'endroit le plus considérable du comté de Werdenfels. Les maisons en sont proprement bâties; leurs toits dépassent de 6 à 8 pieds le niveau du mur, et ménagent un abri contre les pluies abondantes qui tombent souvent par torrens dans ces contrées élevées.

De longues poutres creusées et servant de gouttières se prolongent jusqu'au milieu de la rue ; de sorte que, quand il pleut, chaque maison fournit sa cascade, et que le milieu de la rue ressemble au lit d'un torrent.

On compte environ trois cents bourgeois à Mittenwald. La plupart sont des laboureurs qui cultivent les vallons étroits mais assez fertiles qui les environnent. La température de ces cantons n'admet pas d'autre culture que celle des grains d'été. L'orge , l'avoine , rarement l'épautre (triticum spelta) jamais le froment {triculum hybernum), les choux, la bette, le navet ou turneps, la pomme de terre et la plupart des espèces ordinaires de légumes, y réussissent assez bien. Mais aucun arbre fruitier ne sauroit y prospérer, à l'exception d'une espèce de prunier qui donne une prune longue et violette, laquelle mûrit fort tard.

Cet arbre est généralement répandu dans l'Allemagne; il est cultivé depuis les Vôges jusqu'en' Livonie et en Ingrie. Les Allemands appellent cette prune zwetschke. Dans les contrées méridionales où elle acquiert une maturité parfaite, cette prune est très-agréable au goût, et fournit d'excellens pruneaux. Cette espèce est très-productive , et d'une grande ressource pour le paysan dont presque toujours, surtout en Bavière, elle environne l'habitation, à' peu près comme les pommiers dans les masures de Normandie. Le temps le plus favorable pour manger ce fruit, est vers la fin de septembre, après que les premières gelées blanches l'ont frappé. Alors il se ride, devient onctueux et véritablement succulent.

Une branche assez singulière de l'industrie des habitans de Mittenwald, est la fabrication des violons. C'est là la source du bien-être de cet endroit.

On ne se donteroit pas que , dans le sein des Alpes de la Bavière se construisent ces instrumens que l'on exporte par milliers jusque dans le fond de la Russie, et l'on n'iroit pas chercher la source de l'harmonie qui réjouit les oreilles moscovites, au pied des rochers du Garvendel,et vers les sources de l'Iser. Cette branche de commerce, qui remonte à une époque assez reculée, et qui s'est conservée jusqu'à présent, fait vivre un assez grand nombre d'individus. Un violon ordinaire se vend 12 fr., ceux qui sont plus soignés se vendent plus cher; les mieux travaillés coûtent deux louis ou 22 florins."

Notre voyageur, après avoir fait l'éloge des montagnards de la Bavière et du Tyrol en général, parle dans les termes suivans de la petite peuplade du comté de Werdenfels: « Le caractère y est moins bon, parce que les habitans s'expatrient, vont chercher ailleurs, dans un commerce souvent frauduleux, une fortune qui altère leurs mœurs, et rapportent dans leurs paisibles vallées un luxe nuisible , et des principes destructifs de cette simplicité qui fait le plus doux apanage de l'habitant des montagnes.

Notre voyageur prit, pour rentrer de Tyrol en Bavière, une autre route que celle qu'ils avoient suivie pour y aller. Il passa par Garmisch et par la vallée de Loysach ; de cette manière on traverse le comté de Werdenfels dans toute sa longueur. « Je visitais de nouveau, dit-il, Murnau et le Staffelsée que j'avois vu, deux ans auparavant, avec S. E. M. le baron de Montgelas, ministre d'état de S. M. le roi de Bavière, homme doué des qualités les plus aimables et les plus essentielles. M. le conseiller intime de Zentner, et le professeur Duval, tous deux mes amis, et tous deux très-instruits et du commerce le plus intéressant, étoient de la partie.

« Nous passâmes alors trois jours à Garmisch chez le bailli du lieu qui nous reçut avec l'hospitalité la plus aimable. Nous admirâmes les ressources, l'industrie de ce petit pays dont la richesse naturelle ne consiste qu'en bois et pâturages, mais dont les habitans trafiquent, ainsi que je l'ai dit, jusque dans les contrées les plus lointaines.

Non loin de Garmisch, on voit sur des rochers, au milieu des bois, les ruines encore imposantes du château de Werdenfels, ancien séjour des souverains de cette contrée. (Extrait du Voyage en Tyrol, etc., etc., par M. le chevalier de Bray).

Bibliographie

BRAY (Chevalier Francois-Gabriel de). Voyage dans le Tyrol, aux salines de Salzbourg et de Reichenhall , et dans une partie de la Bavière. Paris, F. Schoeœll, 1808 , in-12
L´ouvrage  a ensuite été réédité sous le nom du Comte de Bray, le chevalier ayant été fait comte entretemps et sous le titre de Voyage pittoresque dans le Tyrol, etc., notamment à Paris chez Gide, Fils, en 1825.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire